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XAÏ 1970

Faut-il donner le sou pour un cliché public 

La photographie ne fait pas le bonheur

        Marrakech, décembre 2016, la place Djemaa El-Fna accueille un soleil couchant par quelques ombres somptueuses au milieu d’une foule de touristes émerveillés du parfum de médina. Çà et là, chacun vaque à sa spécialité lucrative. Quelques berbères endimanchés pour le cliché local, quelques singes en couche pour satisfaire les moins téméraires et divers cobras dressés de fierté pour l’émotion des ophiophobes ; tous offrent ici, moyennant finance, le plaisir de prouver aux familles, aux amis et collègues, que l’on a voyagé jusqu’aux confins du monde avec pour preuve ces clichés onéreux où l’on pose comme un ami bien intégré. J’avance sur le pavé doré d’un crépuscule éblouissant et me rapproche machinalement d’une foule rassemblée autour de quelques charmeurs de serpent assis en tailleur. Bien inconsciemment, comme par réflexe, me voilà levant mon téléphone portable entre deux têtes de la foule pour dérober, bien malgré moi, un cadrage sans intérêt, un contrejour inutile de saveur, ou seule l’ombre des serpents avancent sur le sol, caractère oriental de la scène.

Quelle n’est pas ma surprise quant l’un des auteurs de l’insignifiant spectacle animalier me saute au visage, exigeant son dû.

place Djemaa El-Fna
Dresseur de serpent sur la place Djemaa El-Fna

Pris sur le vif, je réagis par un refus catégorique de payer une quelconque somme pour un cliché non négocié. L’homme insiste fortement et pour éviter de voir l’ensemble de la troupe présente se liguer contre ma triste personne devant une foule acquise à leur cause, je me propose de supprimer la photographie devant les yeux du négociant et de passé mon chemin, déçu par ma liberté de composition. Prendre une photo sur cette place s’avère alors un jeu d’évitements stratégiques dès plus risible pour ne pas être fautif d’une  atteinte à la vie privée de certains, à l’unique source de revenu de bien d’autres. Doit-on sortir le sou pour cliché public…

Je m’interroge depuis des années sur la justesse de quelques raisons inévitables où sortir la piécette s’impose, et encore aujourd’hui quelques doutes persistants sur mes choix, sur ma vision d’un tel propos, me taraude au moment de déclencher l’ouverture de mon appareil photographique. Je ne mettrai assurément pas la main à la poche si le paiement est exigé après l’acte photographique, mais j’accepte l’idée de supprimer le cliché si ce dernier est l’œuvre d’un acte volontaire de ma part face à une activité qui se nourrit de cela. Mais pourquoi ne pas accepter l’idée que certains puissent réellement vivre d’une prestation liée à l’image que vous allez emporter dans votre appareil photographique avec fierté. Vous seul êtes à même de dissocier mendicité et véritable prestation dédiée à une mise en scène photographique.

En occident, bons nombres de mannequins sont grassement rémunérés pour un simple regard, un simple geste et nous ne trouvons rien d’immoral à cela. Mais que vaut donc alors le regard d’un quelconque passant ? Le simple prix qu’il en exige malgré nos incompréhensions, sans grande discussion, et sans commune mesure le plus grand respect rien qu’à l’idée qu’il puisse nous l’offrir gracieusement. Prendre ou ne pas prendre une photographie ?Je pars d’un principe que je me suis fixé, celui de demander la possibilité de faire une photographie quand l’objet du cadrage appartient à quelqu’un, et raison de plus quand il s’agit de ce quelqu’un à proprement dit. Mais quelle n’est pas ma frustration quand un visage au charisme dévastateur, une belle gueule aux rides se jouant de la lumière, m’échappe à travers un refus de l’individu ! Il faut accepter que l’image de chacun est libre du choix d’être ou de ne pas être cadrer pour l’image et que seul la patience, l’échange, quelques sourires peuvent offrir de tels clichés rares et magiques. En photographie, l’impatience se paye de banalité.

L’accrobranche rémunérateur

Aussi peu croyable soit-il, il existe, sur la route allant de Marrakech à Essaouira, sur la droite, un arbre insolite. Un arbre où les lois de la nature que nous connaissons semble perturbée, un arbre offrant une vision atypique de la chèvre de monsieur tout le monde et de ses congénères. Les chèvres grimpent-elles aux arbres ?

Chèvres dans l'arbre
Chèvres dressées pour rester dans l’arbre

Sont-elles dressées pour effectuer une telle performance ? A moins que ces dernières soient littéralement affamées et livrées à une sombre pitance exposée sur les hauteurs de fines branches difficilement accessibles pour un plantigrade de ce genre. La faim justifie les moyens. Alors, devant une telle incohérence, comment éviter cette envie dévorante de ramener sa propre composition, une parmi tant d’autres, malgré le tarif exigé par un pseudo-berger placé en veille à l’ombre du végétal en question ? Sans savoir où cette fanfaronnade pouvait bien se trouver, sans avoir vraiment trop chercher, je connaissais cette arbre à touristes de passage et je m’étais juré que, jamais au grand jamais, je ne sortirai un copeck pour une chèvre équilibriste. Une bien triste promesse. Ma première désillusion fut de m’arrêter à l’aide d’un grand freinage à la vue de l’arbre en question, en contrebas de la route, puis d’effectuer une marche arrière afin de revenir au niveau de cette prestation  animale. Les chèvres se trouvent en effet dispersées dans cette arbre, immobiles d’obéissance, prêtes à sourire même au premier touriste intéressé. Mais comment se peut-il ?

Par quelle idée saugrenue peut se hisser, si haut perchées, une dizaine de chèvres fidèles aux exigences de leur maître. Plus par curiosité que par attrait à un quelconque cliché, je ne peux m’empêcher de descendre du véhicule pour approcher la poignée d’hommes installée à l’ombre afin de tirer au clair le mystère des chèvres funambules. Les chèvres montent soit disant toutes seules sans qu’on leur demande quoique ce soit et reste là, la journée durant, sur cette arbre sélectionné parmi tant d’autre, et certainement pas sur celui d’à coté. Malgré mon insistance, je n’aurai aucune réponse à mes doutes de piètre biologiste et finirai par donner le sou, pour moi aussi, ramener au cœur de ma pellicule, l’incohérence de ce lieu. Il est ainsi, la chèvre est plus forte que tout.

XAÏ 1970
Author: XAÏ 1970

Alain Moreno, dit Xaï, est un Arpenteur de la première heure des années 1970, passant les 6 premières années de sa vie dans une caravane aux quatre coins de la France avant d'être scolarisé. Grand passionné de voyages, de nature et de photographie, Xaï a pris du temps pour voyager. Après un tour du monde de 18 mois, il poursuit l’aventure en faisant quelques boucles supplémentaires en Europe, au Maghreb, en Islande et au Cap nord avant de refaire une traversée de l’Afrique par l’ouest de Tanger (Maroc) à Durban (Afrique du sud) pour le plaisir de l’itinérance en solitaire.

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Cet article a 3 commentaires

  1. AlainConnect

    Cette réflexion demeure intéressante en faisant attention à ne pas développer la mendicité.

    1. Louchai

      Entièrement d’accord avec cette idée.

  2. Louchai

    Le fait d’attendre la prise photographique avec un sourire et de demander une rémunération en suivant est également répréhensible.

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